Jeudi 11 août
Après une bonne douche, une bonne nuit, des formalités avec la douane qui passait sur tous les bateaux, un dernier passage à l'épicerie, nous larguons les amarres, direction le Nord-Est.
Le vent est d'est et, passés la bande côtière, va vite se renforcer. Nous croisons une petite baleine, nous voyons au loin quelques grands dauphins. Nous passons à travers une zone de pêche. Le vent continue de monter, et nous, nous continuons de réduire les voiles. Nous finirons avec un ris dans la grand-voile et le petit foc, que nous avons achetée juste avant de partir et qui va nous permettre d'être à la fois confortable et de faire un meilleur cap. Le bateau penche, et vu les « gribs » qu'a téléchargés l'amiral, ce n'est pas prêt de s'arrêter ! (C'est quoi les gribs ? Ce sont des petites flèches sur une carte qui nous donne la force et la direction du vent par tranches de 3h, c'est bien plus précis que la météo marine qui vous dit « vent d'est à nord-est, 3 à 5, passagèrement 6 »)
Le premier soir, nous bénirons les espèces de croque-monsieur espagnols que Nany a trouvé à l'épicerie le matin... C'est chaud, c'est super rapide à préparer (juste un passage à la poêle), on les met dans un morceau de sopalin, avec une serviette autour, et hop ! C'est prêt ! Et ça cale bien l'estomac ! Nous ne sommes en effet pas suffisamment amarinés pour pouvoir préparer un vrai repas dans ces conditions de vents assez forts, nous avons eu à gérer pas mal de changement de voiles, et il faut encore préparer le bateau pour la nuit... Alors un repas chaud, rapide à préparer et sans vaisselle, c'était parfait ! Note pour plus tard : emmener plus de croques-monsieur !
Nous décidons de laisser le bateau avec un ris et sa petite voile même lorsque le vent se calme par moment, notamment le soir. Et nous aurons raison, car la nuit, le vent remonte. La première nuit ne sera pas très simple à gérer, le bateau qui est toujours autant penché, par 15-20 nœuds de vent, avec pas mal de bateaux autour de nous, visibles heureusement sur la tablette, grâce à notre VHF, qui fait aussi récepteur AIS. Ça aussi, c'est un achat que nous n'avons pas regretté. L'ensemble est un peu « usine à gaz » mais quel confort !
Nous aurons par contre beaucoup de peine à recevoir le moindre bulletin météo par BLU, à cause de faux contacts... Nous sommes assez déçus de ne pouvoir compter sur aucun des équipements électroniques que comportait le bateau. Au final, tout est à changer.
Vendredi 12 août
Le vent se calme un peu dans la journée, nous essayons tous de nous reposer et même de dormir dès que possible. Les enfants n'ont pas très bien dormi avec cette mer, assez agitée par le vent, et qui a donnée au bateau des mouvements brusques. Le soleil est toujours là, au moins quelque chose d'agréable ! Pas de baleines en vue. Et avec une mer aussi agitée, ce n'est pas étonnant. Et pas de dauphins non plus. Nous nous sentons bien plus seuls qu'à l'aller, alors que nous croisons plus de bateaux (pêcheurs et cargos).
Le temps passe assez vite, entre les siestes, la préparation des repas, le quotidien, et encore, nous réduisons tout au maximum : les enfants ne se changent même pas pour dormir, ne se lavent pas les dents, on limite la vaisselle à faire et les changements de voile.
Samedi 13 et dimanche 14 août
Jusque là, notre cap est bon, nous sommes au près, nous sommes penchés, il y a beaucoup de vent, le bateau n'avance pas si vite car il est ralenti par les vagues mais fait de belles pointes à 5 nœuds quand même, il tape un peu et fait de belles gerbes d'eau, mais nous allons pile vers Belle-Ile ! Si les conditions n'avaient pas changées, nous serions arrivés de nuit, dimanche matin. Mais voilà : le vent va progressivement tourner au nord est, nous poussant vers l'ouest. Nous attendons peut-être un peu tard pour virer de bord et retourner un peu en arrière vers l'est-sud-est. Nous regrettons de ne pas avoir un bateau qui remonte ne serait-ce convenablement au vent ! Dans les livres et en stage de voile, on vous apprend qu'un bateau remonte à 45 degrés du vent. Que nenni ! Manua dérape énormément si sa vitesse n'est pas supérieure à 3,5 nœuds, et pour atteindre cette vitesse-là, il faut abattre et se mettre à 60 degrés du vent. Bref.
La nuit arrive et nous nous attendons à ce que le vent remonte comme les 2 premières nuits : c'est ce qui se passera, à la différence que le vent changera aussi de direction, pile au moment où nous croisons un gros bateau de transport de passagers qui file droit sur nous ! Un petit appel à la VHF et le projecteur dans les voiles nous permettront de résoudre le problème : le navire s'est dévié et nous attendrons de passer les 2-3 bateaux de pêche du secteur pour effectuer des manœuvres. Notre route fait un bel arc de cercle et nous nous dirigeons maintenant vers le sud-est. Nous virons de bord, notre route est encore un peu nord-ouest, et ce n'est pas ce qui nous arrange car le vent est plus fort à l'ouest. Bref. Nous avons l'impression qu'aucun bord n'est bon. Nous hésitons, nous tournons le problème dans nos têtes comme nous pouvons le faire vu l'heure (il est 2 ou 3 heures du matin) et notre état de fatigue (peu de repos depuis le début de la nuit).
Nous nous calons sur un bord, et au bout de quelques minutes, alors que nous ne sommes contents ni du cap, ni de la vitesse du bateau, nous entendons un grand bruit à l'avant : le foc est descendu. Nany sort de sa couchette en 4ème vitesse pour aider Alain (alors que ça fait seulement 5 min qu'elle y est), qui peste et râle tout ce qu'il peut (bon, là, y a de quoi!) : la voile est affalée, et comme c'est la fixation de la drisse en haut du mat qui a cassée, le foc est maintenant inutilisable. Nous mettons un bout de génois, puis nous voulons tenter de virer de bord, puis nous décidons de rentrer le foc qui nous gêne (avec de l'eau dans les pieds et de nuit, et sans les bottes, sinon ce serait pas drôle pour l'amiral!). Toutes les dernières manœuvres, les hésitations sur le bord à suivre, les essais pour tenter d'augmenter la vitesse de Manua, tout cela nous a fait perdre beaucoup de temps, et nous avons peu avancé depuis plusieurs heures. Cette troisième nuit est éprouvante, et les « gribs », toujours aussi précis, alors que nous n'avons pas pu les mettre à jour depuis notre départ, nous annoncent encore et toujours du vent contre nous, sauf sur une bande près des côtes. Nous ne nous sentons pas d'infliger une nuit de plus en mer aux enfants qui semblent fatigués, et nous ne voyons pas d'issue possible sans notre foc dans des vents aussi forts. Nous allumons le moteur, nous essayons de faire porter la grand-voile au maximum pour gagner un nœud, et filons droit vers la côte au nord, la plus proche de nous.
Le moteur tournera de 3h du matin jusqu'au début de l'après-midi... Au réveil des enfants, nous leur expliquons que nous n'avons pas pu faire autrement, et nous leur promettons une meilleure nuit au port le soir. Nous abandonnons l'idée d'aller directement au mouillage aux Glénans, de toutes façons, le cap n'est pas assez vers l'est !
Tanaïs n'a pas une super mine, alors Nany commence à entonner des chansons qu'elle connaît (ou pas). Finalement, on met le CD de Renaud, et tout l'équipage se met à chanter : « C'est pas l'homme qui prend la mer, c'est la mer qui prend l'homme, tatatiiiinnnnnnn !!!! ».
Petit à petit, nous voyons la mer se calmer, le vent tournera un peu et nous pourrons ramener le cap encore plus vers les ports du Guilvinec ou de Lesconil, ceux qui sont les plus proches de nous en ligne droite. La mer finit par se calmer complétement, et le vent aussi. C'est totalement conforme aux « gribs » et l'amiral a pu nous faire tout le décompte : dans 2 heures, la mer se calmera, etc...
N'ayant maintenant plus de vent, nous continuons au moteur, l'ambiance est maintenant plus détendue ! D'autant que juste au moment du dessert, des dauphins viennent nous voir et jouer avec notre étrave ! D'un coup, ce sont des éclats de rire, des cris de joie qui envahissent le pont ! Les dauphins restent un long moment, puis repartent. Nous décidons de mettre la ligne pour pêcher quelques maquereaux et mettons enfin les voiles... ET..... Les dauphins reviennent !!! Zut... un coup d’œil à la ligne : plus rien que le fil noir qui traîne à la surface et bien entendu, nous n'avons ni ligne de secours, ni envie de reperdre une ligne de traîne ! Un dauphin a du prendre la planchette blanche pour un poisson... On espère qu'il ne s'est pas emmêlé dans la ligne, et nous sommes rassurés de voir le groupe au complet.
Les dauphins vont ainsi partir et revenir tout l'après-midi. Comme s'ils nous guidaient jusqu'au port. Nany n'arrive pas à se reposer, elle s'allonge juste une demi-heure et retourne vite voir les dauphins. Au fond, même adultes, nous avons toujours notre âme d'enfant émerveillé, le spectacle est toujours aussi captivant, d'autant que les dauphins font leur « show » : ils font de grandes accélérations, des spashs, passent devant notre étrave sans même la toucher et en faisant des petits sauts. Nous voyons les fonds remonter, et nous attendons à ne plus voir les dauphins... Nous les voyons toujours au loin, et finalement, à 6-7 milles seulement du port de Lesconil vers lequel nous avons prévu d'arriver, nous les voyons une dernière fois, mais cette fois-ci de l'avant du bateau vers l'arrière, comme une dernière danse pour nous dire au revoir...
Nous arrivons à Lesconil vers 18h, chouette, il n'est pas trop tard ! Nous trouvons une place au ponton, nous mettons le pied rapidement à terre pour demander si nous pouvons y rester... C'est OK ! Chouette ! Maintenant, c'est l'heure de boire un coup car il fait très chaud, anormalement chaud pour le Finistère même, puis surtout de PRENDRE UNE DOUCHE ! Nous n'avons pas réussi à nous toiletter aussi bien que pendant la traversée aller et cela fait quand même 4 jours sans douche, il y a une bonne couche de crasse à enlever et nous nous trouvons plus léger après !
Nany n'a pas envie de faire à manger et nous avons envie de fêter notre traversée retour alors nous allons manger dans un snack-pizzeria, mais le service est très long et Philéas manque de s'endormir sur la table à plusieurs reprises... Nous rentrons tard au bateau et tout le monde s'écrooooouuuuule sur sa couchette.